Jean Abélanet est un de ces chercheurs qui militent de longue date pour la cause du mégalithisme et pour réaliser des inventaires les plus complets possibles. L’ouvrage qu’il nous donne à lire aujourd’hui témoigne parfaitement sur le plus ancien patrimoine monumental, bâti de main d’homme, des terres nord-catalanes. La masse d’informations ainsi accumulées lors d’incessantes prospections y trouve enfin son aboutissement logique. On saluera aussi à cette occasion l’action de l’Association Archéologique des Pyrénées-Orientales qui, prenant le relais de l’Inventaire des mégalithes de la France, assure avec succès la publication de ce catalogue.
Jean Abélanet n’est certes pas le premier à s’intéresser au mégalithisme du Roussillon mais en cumulant les anciens répertoires et en parcourant inlassablement le terrain, il a largement augmenté l’inventaire : près de 150 tombes sont aujourd’hui connues ce qui conforte l’importance du département dans le contexte plus général du mégalithisme pyrénéen. Un point original de cette recherche est aussi le recours systématique à la toponymie pour détecter de nouveaux monuments.
On en connaissait le principe. Mais l’auteur l’a systématiquement appliqué en ayant recours aux anciens cadastres, si riches en informations. Les personnages du folklore – les Maures et Roland tout particulièrement – comme les toponymes en caixa, arca, taula, peralada ou peyralada, entre autres, ont été autant de pistes fructueuses. Et Jean Abélanet de proposer aux jeunes chercheurs d’aller voir du côté de tous ces lieux-dits dénommés l’Home-Mort ou la Dona morta et qu’il a recensés, pour vérifier si le toponyme ne désignerait pas quelque tombe oubliée.
L’ouvrage de Jean Abélanet est aussi une porte ouverte sur la recherche de demain, un peu comme un flambeau tendu aux jeunes générations d’archéologues. Il tâche de convaincre celles-ci à revoir des sites qu’il n’a pu contrôler, à suivre la piste toponymique, à poursuivre des recherches dans des secteurs encore mal prospectés et riches de promesses. En ce sens l’auteur est pleinement conscient que ce catalogue n’est qu’une étape dans une construction du passé toujours en devenir. Cette invitation est donc un appel à prolonger l’œuvre entreprise.
Mais ce livre, dont le lecteur mesurera l’ampleur de l’investissement physique et intellectuel nécessaire à sa réalisation, doit s’entendre aussi comme un cri d’alarme pour une protection renforcée de ces fragiles architectures, témoins austères et trop souvent négligés du profond enracinement des populations pyrénéennes.